Le silence est un compagnon généreux autant qu’exigeant.

Au commencement, il s’approche à pas comptés pour ne pas effaroucher.

On le goûte alors avec surprise.

On le craignait, le fuyait même peut-être, et désormais on l’apprécie pour ce qu’il est ; un temps de paix, un temps de soi à soi durant lequel on peut enfin s’entendre.

Un temps à être.

Doucement on l’apprivoise, le fait sien.

Parfois, on l’espère, l’attend, presque impatient

Il nous accompagne de plus en plus longuement et c’est alors qu’on en découvre les rudesses, les pesanteurs, jusqu’à la suffocation parfois.

Quand il est absent il nous manque, quand il est là, il finit par peser et pourtant on ne sait plus se passer de lui, de ses temps offerts à se découvrir, à n’être que soit, en totale intimité.

Ce sont des temps toujours doux avant de devenir rudes à force de longueurs.

Il nous emplie de lui pour mieux ouvrir l’espace intérieur, repousser l’illusion de notre vision étriquée.

Et voilà qu’on aimerait partager, les pluies du dedans, les jubilations presque enfantines, toute la profondeur de notre être explorée en tête à tête avec soi-même.

Pourtant on le sait, les temps partagés sont peu propices au regard intérieur.

L’expérience de la joie spontanée peut-être troublée, empêchée par l’humeur d’autrui, autant que le chagrin incompris, nié par maladresse.

On se disperse toujours un peu quand on partage, si on ne s’égare…

Nos mots parfois nous dépassent, les nôtres, ceux de l’autre, des autres.

Les temps de silence rompu, en compagnie, sont d’autres temps tout aussi nécessaires.

Ils vont seulement les uns sans les autres.

Le silence nous montre nos contradictions et nous demande d’apprendre à aimer être là où nous sommes, de nous aimer tels que nous sommes.

Il nous invite à nous consacrer tout entier à l’instant.

Avec patience, sans attente, ouvert, offert à ce qui survient, la solitude autant que la compagnie car le silence est presque toujours solitaire, et tout nous enseigne.

On peut bien sûr vivre le silence en compagnie, quand on est bien familiarisé avec lui et l’absence.

Un silence de belle qualité qui rapproche plus encore, peut-être, que ne sauraient le faire les mots.

C’est un autre apprentissage, un autre temps où le silence réinvente la relation jusque dans sa définition, où elle devient un lieu sans « vouloir », un lieu d’accueil, de liberté, un lieu à être.

Illustration – Auteur inconnu (de moi)

Pin It on Pinterest