Aujourd’hui en contemplant les arbres, seule, dans la paix du matin il m’est venu que, Aimer, c’est entrer dans son silence, comme on entre en forêt.

Les yeux et le cœur ouverts.

Présent, attentif au moindre mouvement.

La fête des sens.

Celui des oreilles qui se réjouissent de l’absence de bruit.

Ce silence que même le bourdon d’un insecte, le craquement d’une branche, d’une brindille brisée sous le pas, ou même le trille d’un oiseau surpris par cette visite inattendue, ne parviennent à troubler.

Celui des yeux émerveillés de tant de nuances de verts, de bruns, de lumière à l’infini reflétée par les feuilles frémissantes sous le souffle léger du vent.

S’enivrer des parfums de la terre,  des essences de ces arbres qui vivent en frères sous le même ciel.

Sentir le rugueux de l ‘écorce, la douceur de la mousse, la terre qui poudre les mains.

Cette paix, qui gonfle le cœur et nous fait sentir une indicible joie.

C’est dans le silence, qu’on peut écouter et sentir, accueillir l’autre dans tout ce qu’il est, tel qu’il s’est construit chaque jour qui l’a conduit jusqu’à soi.  

Les paroles, souvent, nous égarent.

A trop vouloir savoir, on court plus vite et plus loin que les mots.

On oublie ce qu’ils ont à nous dire, dépouillés de leur substance par toutes les peurs qu’ils ont à rassurer, les attentes à combler.

On n’a rien à entendre que l’autre ne veuille dire.

Rien à se dire de ce passé où aucun n’existait pour l’autre. 

A-t-on déjà réussi à conter le chemin parcouru entre deux points secondes après secondes, l’aspect du macadam, des rails de sécurité, les bords de route passés si vite qu’on n’en voit pas la singularité ?

Ce qui est tu, est-il plus signifiant pour celui qui écoute que ce qui est dit ?

Ou bien est-ce le contraire ?

Par quelle sorte de folie pense t-on pouvoir connaître l’autre à travers quelques mots choisis ?

Combien de temps faudrait-il à chacun de nous pour se raconter tout entier ? 

A travers cette frénésie de découverte n’y a t-il pas juste le besoin de croire qu’on peut échapper à l’impermanence qui frappe toute chose ? 

Chacun de nous est un chemin.

Nous le traçons à mesure que nous avançons. 

Nous savons où il mène, et nous savons qu’on ne peut pas revenir sur nos pas.

On ne peut que choisir de le fleurir chaque instant, se réjouir de toute la magie de la vie.

Ce renouveau constant, cette perfection dans tout ce qui est.

On peut se réjouir aussi de tous ces chemins croisés qui nous ont aidé à leur façon, à dessiner le nôtre.

On peut s’évertuer aussi à aimer sans compter, chaque instant, ceux qui vont dans la même direction, ici et maintenant sans présumer de la durée de cette communauté.

Deux chemins n’en feront jamais qu’un seul.

Deux chemins resteront deux chemins. Chacun avec ses trous, ses bosses, ses fleurs, ses papillons, ses couleurs. On peut respirer le même air sans s’émouvoir du même parfum.  L’important est de savoir accueillir tout ce qu’on croise, d’aimer notre propre silence, pour pouvoir le partager sans détour avec celui (celle) qui chemine auprès de nous, en étant présent  dans le sien et reconnaissant de partager cette espace de liberté et de vérité de l’instant.

 Photo – Paul Cupido

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