Est-ce nécessaire de se dépouiller de tout pour appréhender ce qu’est réellement le détachement aux bien matériel, pour accéder à une certaine conscience de soi ?

Je l’ignore.

Cependant je pense qu’à moins de choisir, ou simplement être prêt à accueillir pleinement une expérience qui se présente, de quelque nature qu’elle soit,  celle-ci ne peut pas nous conduire à une plus grande connaissance de soi, à être.

Sans quoi, le dénuement ne s’appellerait pas pauvreté mais spiritualité.

Un moine vit-il sa sobriété comme une pauvreté ?

Non, car il ne la subit pas dès lors qu’il s’agit de son choix de vie, plein et entier.

L’événement en lui même n’est jamais déterminent, ce qui l’est, c’est la façon de l’accueillir, de le vivre.

J’ai choisi un jour de me libérer, de mon métier, et plus tard de ma façon de vivre pour en expérimenter une autre, nomade, sans adresse attitrée..

Cela surprend toujours ceux qui me croisent et m’interrogent sur le sujet, car cela ne se voit pas à mon allure, à mon attitude.

Il reste que le dépouillement m’a beaucoup enseigné et m’enseigne encore.

Quand on enlève le décor, la musique, il reste l’acteur et son jeu ou son Je.

L’absence d’un lieu particulier, identitaire,  offre d’habiter l’essentiel, notre corps.

Il n’y a plus d’espace entre soi et l’ensemble, en dehors de notre corps.

Celui-ci prend donc une autre dimension, une autre importance, et soi-même avec lui.

Dès lors que notre ultime refuge est notre corps, on prend une conscience de lui et de nous-même, plus aigue, plus juste.

On fonctionne en « tout ». On devient une unité, un noyau.

Notre compréhension ne donne plus la préséance à notre mental, elle passe d’abord par nos sens.

On se laisse traverser par les événements, les autres, le vivant,  notre mental, sans rien laisser s’installer qui ne soit pas choisi sciemment.

Une circulation de l’intérieur vers l’extérieur autant que de l’extérieur vers l’intérieur se crée en nous.

Nous sommes cette circulation.

À la fois détaché et au cœur de tout. Présents à tous les instants.

Nos silences sont vraiment silencieux.

Nos mots disent vraiment.

Dans ces moments là, tout est parfait, simple, facile.

Parfois, cependant, nos vieux réflexes nous rattrapent.

La peur de se perdre, de ne plus être tout en étant toujours là.

N’être plus rien que ce souffle, ce mouvement.

Pourtant, n’avons-nous jamais été autre chose au fond ? Ce mouvement c’est la Vie et nous sommes elle, une de ces manifestations.

Ces moments de doute ne suffisent pas toutefois à fois à faire oublier la légèreté d’être, cet absolu bien-être presque quotidien, et de plus en plus présent à mesure que la Vie, « qu’être » prend le pas sur l’avoir, le paraître.

En tout cas, chaque fois que je pense à redevenir sédentaire, me réinstaller dans une sorte de « normalité convenue », je sens que cela m’est impossible.

Un jour peut-être. Aujourd’hui il est trop tôt.

Je suis « attachée » à n’être plus attachée …

Angélica Mary.

Photo – Steve Nicklas

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